Vase boule, émaillé noir et rouge, à pied, col droit et lèvre retournée

Verre, émail

Ce modèle de vase (102) fut créé à une période précoce de la Verrerie artistique (1930–1964). Les sources dont nous disposons sont des catalogues de la Verrerie de St-Prex, tels que les albums noirs munis de photos de vases, vraisemblablement utilisés par les représentants de 1931 à 1935 (Verreries de St-Prex, 1931, no 164, H 27 cm). À petit pied et sans anses, couronné d’un col droit à lèvre retournée, on peut l’identifier facilement grâce sa taille haute. Il est proposé en argent, noir et vert. Dans le premier catalogue imprimé (Verreries de St-Prex, 1935), il correspond au 102. Dans un répertoire non publié de toute la production artistique de Saint-Prex, qui reprend la numérotation du catalogue de 1935 (Verreries de St-Prex, 1964), la forme boule apparaît en quatre tailles : en plus des modèles plus petits no 100 et 101 (sans et avec anses), les vases de 22 cm de diamètre reçoivent le no 102 et 103. Contrairement aux mesures indiquées dans le catalogue de 1931, ce n’est plus la hauteur, mais le diamètre qui fait foi. Ces modèles ne sont plus fournis dans la liste de prix de 1960 (Verreries de St-Prex, 1960). On peut relever que la lampe boule (modèle 176) est identique au modèles 100 et 102, mais sans col. D’après la chronologie qu’il est possible d’établir à l’aide des trois catalogues, ce modèle – présent dans le corpus en verre vert, rouge-noir et doré-argenté craquelé – fut élaboré dès 1931 et n’est plus proposé en 1960.
La critique récente ne le mentionne pas. En revanche, le céramiste Paul Ami Bonifas consacre un article à la « Verrerie » et l’illustre entre autres d’un vase à talon et non sur pied, muni d’appliques, le modèle 171 des albums de représentants noirs (Bonifas, 1933, 16). Dans sa biographie, ce dernier se souvient de l’engagement auprès de la Verrerie de St-Prex : « En vue d'un Salon fédéral des Beaux-Arts et des Arts Appliqués qui allait se tenir à Genève en 1931, la S.A. de la Verrerie de St-Prex me demanda de dessiner les modèles qu'elle se proposait de présenter au jury et de présider à leur fabrication. » Bonifas évoque également la présence d’un verrier italien, formé à Murano, avec lequel il a collaboré durant cette période (Beaujon, 1961, 75; Lecoultre-Brejnik & Musée Ariana, 1997, 46 et Baumgartner 2018, 69).
En 1931, à la suite de l’Exposition nationale d’art appliqué, le Musée industriel de Lausanne (Kulling, 2014, 48-53) acquiert un lot de vases de la Verrerie de St-Prex, lot aujourd’hui réparti entre le Musée Historique de Lausanne et le mudac. De son côté, le musée Ariana à Genève a également fait l’acquisition d’un objet. Ces œuvres, en rapport direct avec l’exposition, conservent ainsi le lien avec leur designer.
En outre, le catalogue d’exposition « Bonifas, céramiste du purisme » présente plusieurs « boules » (Lecoultre-Brejnik & Musée Ariana, 1997, 110, no 36 et p. 111, no 41) très proche des vases Saint-Prex.
Ce type de vase ou cruche « boule » est déjà connu à l’époque romaine et à la Renaissance. Les mouvements d’avant-garde du XXe siècle le redécouvrent, ce qui lui vaut d’être répandu en Europe comme aux États Unis dès les années 1920 et 1930.
Par ailleurs, l’évocation du verrier italien à Saint-Prex permet également d’affirmer un apport de l’art verrier. En effet, le travail du jeune Carlo Scarpa fait découvrir plusieurs variations sur le thème de la sphère, avec pied ou talon, avec un col plus ou moins long, évasé ou cylindrique ou avec une simple lèvre retournée pour couronner la sphère. Voici autant d’idées retenues dans les catalogues saint-preyards (Barovier & Sonego, 2018, 202‑203 et 296: modèles 5680, 5932 et 5970 ; Verreries de St-Prex, 1931 et 1935). Montrées à Paris, Leipzig et Amsterdam entre 1928 et 1931, les créations de Murano manifestent l’effervescence du modèle « boule ». Ainsi, le céramiste Bonifas marie les aspects du design qui lui sont chers au savoir-faire verrier contemporain.