Ce vitrail fait partie des trente-sept panneaux connus provenant du cloître du monastère cistercien de Tänikon, en Thurgovie. Le présent panneau a été conçu comme une paire avec un second vitrail aujourd’hui disparu, mais connu au travers de la chronique du monastère comme une représentation de la Mise au tombeau aux armes du confesseur Kaspar von Aegeri (Boesch, 1943, p. 61, n° 42).
Le présent panneau a été donné en 1610 par Rudolf Guggenbühl de Rapperswil (1568-1628) alors qu’il était confesseur au monastère de Magdenau (Anderes, 1994, p. 208). Il a ensuite été confesseur à Tänikon de 1620 jusqu’à sa mort (Boesch, 1943, p. 61). Saint Bernard de Clairvaux apparaît ainsi en tant que patron de l’ordre des cisterciens, tandis que saint Rodolphe comme patron du nom du donateur. Un second vitrail héraldique offert par Guggenbühl en 1626 avec le couronnement de la Vierge Marie était destiné au réfectoire du monastère de Tänikon (Rahn, 1890, p. 226 ; Boesch, 1943, p. 64-65, fig. 14). Il est aujourd’hui perdu.
Le cloître du monastère cistercien de Tänikon, bâti vers 1508, est composé de vingt-deux fenêtres en plein cintre. Entre 1558 et 1610, elles sont dotées en plusieurs étapes d’un cycle de vitraux financé par une trentaine de donateurs. Cette commande, qui est l’une des plus importantes pour le vitrail en terre thurgovienne, a été initiée par l’abbesse Sophia vom Grüth (en fonction entre 1550-1579) qui est parvenue à rassembler de nombreux donateurs, parmi lesquels sa propre famille, les parents des conventuelles résidant à Tänikon (Zehnder, 1992, p. 98), les monastères voisins et certaines familles aristocratiques de la région. La première série de vitraux, vers 1558-1559, comporte une vingtaine de panneaux, dont seize portent le monogramme du peintre verrier zurichois Niklaus Bluntschli (avant 1525-1605) et un celui de Jos Murer (1530-1580). Vers 1563-1565, au moins cinq panneaux rejoignent le cloître, dont l’un d’entre eux est signé par le peintre verrier de Bremgarten Hans Füchslin (avant 1558-après 1586). Enfin, entre 1585 et 1610, onze autres panneaux ont été offerts. Par la suite, les dons de vitraux ne sont plus destinés au cloître, mais à d’autres parties du monastère, telles que le réfectoire (Boesch, 1943, p. 16 et 66 ; Keller & Kaufmann, 2022, p. 23).
Bien que les vitraux du cloître aient été donnés sur une longue durée et proviennent de divers donateurs et ateliers de peintres verriers, une cohérence de style, de composition et d’iconographie a été assurée par les abbesses qui se sont succédé à la tête de la commande, notamment par le choix des scènes représentées qui s’articulent autour de la vie du Christ, laissant aux armoiries des commanditaires une place secondaire.
Compte tenu de sa datation, le présent vitrail appartient à la série des onze panneaux arrivés au cloître après la mort de Sophia vom Grüth, sous sa coadjutrice Barbara von Hertenstein (Zehnder, 1992, p. 98). Il porte le monogramme de l’atelier du peintre verrier de Winterthour Tobias Erhart (1569-1611). Son style et sa composition, notamment au niveau de l’encadrement architectural, l’inscrivent également dans la production de ce maître, à l’exemple du panneau daté de 1606 aux armes de Matthias Stählin, abbé du monastère de Fischingen (TG_1681), aujourd’hui encore conservé dans l’ancien couvent. A ce jour, le panneau de l’Ariana est le seul connu de sa main réalisé pour Tänikon.
Ce panneau provient de la collection constituée par le marchand de soie de Constance Johann Nikolaus Vincent (1785-1865) de 1816 jusqu’à sa mort. Vendus au collectionneur en 1832 par l’abbesse Maria Johanna Baptista Rutz (en fonction entre 1827-1848), les vitraux de Tänikon sont restés groupés jusqu’en 1890. Ce n’est qu’à cette date, lors de la mise aux enchères de la collection Vincent, qu’ils ont été dispersés (Keller, 2022, p. 43 et suivantes ; Volkart & Elser, 2022, p. 79). Six panneaux se trouvent aujourd’hui au Musée Ariana à Genève, tandis que les autres sont conservés dans diverses institutions, telles que le Musée national suisse, le Musée historique de Thurgovie, le Musée régional de Bade à Karlsruhe, le Musée national germanique à Nuremberg, le Musée Heylshof à Worms, ou encore le Musée historique de Lucerne.
Cité dans:
Rahn, 1890, p. 199, n° 85.
Sidler, 1905, p. 102, n° 52.
Deonna, 1938, p. 8, n° 2.
Boesch, 1935, p. 36-37, n° 79.
Boesch, 1943, p. 61, n° 41, fig. 56.
Boesch, 1955, p. 21.
Zehnder, 1992, p. 25, 95-105, n° 41.
Anderes, 1994, p. 191-208, n° 24.
Keller, 2022, p. 61, n° 57.
Keller & Kaufmann, 2022, p. 23, n° 41.
Volkart & Elser, 2022, p. 79-80, p. 113, n° 41.