Ce panneau héraldique a été accidentellement brisé en 1976. Les fragments, au nombre de 59, ont été presque intégralement conservés. Malgré les lacunes qu’il présente aujourd’hui, principalement au niveau de l’écu central, il est possible d’affirmer qu’il était à l’origine orné des armes de la famille noble de Lucy, issue de Lorraine en France, dont le nom figure dans le cartouche.
Le panneau présente des similitudes au niveau du format, de la composition, de l’iconographie et du style avec trois médaillons aux armes des familles de Toulon (GE_2019) également propriété du Musée Ariana, de Craincourt (inv. MMA 17.40.5 ; https://www.metmuseum.org/art/collection/search/193347) et de Savigny (inv. MMA 17.40.6 ; https://www.metmuseum.org/art/collection/search/193348), conservés au Metropolitan Museum of Art (MET) à New York. Ils font partie d’un ensemble de sept fenêtres, conçu entre 1531 et 1533 pour orner les baies du choeur de l’église du prieuré bénédictin de Saint-Firmin à Flavigny-sur-Moselle, en Lorraine (Hérold & Gatouillat, 1994, p. 72). Les vitraux ont été commandés par Wary de Lucy († 1557), prieur de 1510 jusqu’à sa mort, au peintre verrier établi à Metz Valentin Bousch († 1541), actif dès 1514 et considéré comme l’un des maîtres verriers les plus importants de la Renaissance dans le nord-est de la France (Hérold & Gatouillat, 1994, p. 72). Le programme iconographique illustrait l’histoire de l’humanité, avec les épisodes de la Nativité ou de l’Annonciation (?) (perdu avant 1877), de Moïse et les tables de la Loi (inv. MMA 17.40.1a–r) aujourd’hui au MET, de la Crucifixion, aujourd’hui dans les baies de l’église Saint-Joseph à Stockbridge dans le Massachusetts, du Déluge (inv. MMA 17.40.2a–r) également au MET, de la Création et la Chute de l’Homme, aujourd’hui conservés dans une collection privée à Langley, en Colombie-Britannique, ainsi que de la Résurrection ou de la Cène à Emmaüs (?) et du Jugement dernier (?), tous deux aujourd’hui perdus (Hérold & Gatouillat, 1994, p. 72-73).
Selon Hérold et Gatouillat (1994, p. 73), les médaillons aux armes de Savigny (Jeanne de Savigny était la grand-mère du donateur) et de Craincourt (Claude de Craincourt était la mère du donateur) ornaient à l’origine la partie basse de la baie de la Création et de la Chute de l’Homme, datée de 1533 et signée Valentin Bousch, aux côtés d’un médaillon aux armes de la famille de Toulon, à l’époque signalé perdu, mais qui correspond au médaillon (GE_2019) de l’Ariana.
Un dessin conservé à la bibliothèque municipale de Nancy (Fonds Abel, carton 152, reproduit dans Isler-de Jongh, 1998, p. 156) représente la fenêtre intacte, avant sa vente. Dans la partie inférieure, trois écus armoriés sont illustrés côte à côte, insérés dans des couronnes, au-dessus de trois cartouches portant les noms des familles représentées. Celui de gauche est laissé vide, celui du centre illustre les armes et le nom de Lucy et celui de droite ceux de Savigny. Si ce dernier correspond au médaillon conservé au MET (inv. MMA 17.40.6), l’identification des deux autres médaillons demeure incertaine. Contrairement aux armes de Lucy figurées sur le dessin, le présent vitrail ne représente pas l’écu inséré au centre d’une couronne, mais flanqué de rubans et de guirlandes de feuilles et de fruits qui s’étendent au-delà des extrémités du panneau. Il pourrait dès lors avoir été au centre de la console décorative dessinée sous les médaillons. Le dessin imprécis et incomplet ne permet pas d’identifier avec certitude le présent panneau comme l’un de ceux insérés dans la partie basse de la fenêtre de la Création et de la Chute de l’Homme. Cependant, le nom et les armes de Lucy, tout comme son style, permettent de le rattacher à cet ensemble. Cette attribution permet ainsi de préciser la datation du vitrail estimée vers 1520 pour 1531-1533.
Le présent panneau a été acheté par la Société Auxiliaire du Musée qui en a fait don en 1912 au Musée d’art et d’histoire (MAH) de Genève. Le rapport de 1912 mentionne qu’il s’agit d’un “vitrail français, acheté à un collectionneur de la région” (1912, p. 8), tout comme le médaillon aux armes de Toulon (GE_2019). En 1877, quatre verrières et quelques panneaux du tympan sont encore attestés dans l’église du prieuré de Flavigny-sur-Moselle (Hérold & Gatouillat, 1994, p. 72). Ce n’est que peu avant leur expulsion en 1904 que les moines bénédictins de Saint-Eustase, qui occupaient les lieux, ont mis en vente le mobilier liturgique de l’église, comprenant les vitrages qui avaient survécus jusque-là (Isler-de Jongh, 1998, p. 153). Trois baies sont attestées en France jusqu’en 1907 et ne semblent avoir rejoint les États-Unis que peu avant la Première Guerre mondiale (Isler-de Jongh, 1991, p. 76). La verrière aujourd’hui à Saint-Joseph faisait en 1913 partie d’une collection privée new-yorkaise. Les deux fenêtres et les quatre médaillons conservés au MET n’ont été acquis qu’en 1917.
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