Vase doré craquelé à panse ovoïdale et col étroit

Verre, émail, dorure

Ce modèle (190) de vase de la Verrerie artistique (1930-1964) a été commercialisé dès 1937. Les sources dont nous disposons sont des catalogues de la Verrerie de St-Prex, certains inédits. Il fait partie de l’offre des "Nouveautés", publiée en 1937 (Verreries de St-Prex, 1937, H 23 cm), qui est disponible en verre vert (VV), émaillé en noir, rouge-brillant et rouge-mat (N, RB et RM), en bleu-brillant et bleu-mat (BB et BM), en argenté lustré et craquelé (AL et AC), et finalement en or bordé, lustré ou craquelé (OB, OL et OC). Il figure finalement dans un répertoire non publié, qui, basé sur les numéros d’inventaire des catalogues de 1935 à 1960, dresse la liste de tous les modèles de la production artistique (Verreries de St-Prex, 1964, H 23 cm). D’après les sources, ce modèle est ainsi mis en vente dès 1937 et produit jusqu’en 1964. Dans la critique récente, il est reproduit chez Dreyfus (Dreyfus, 1981, 13) et Baumgartner (Baumgartner, 2018, 69).
À la recherche de correspondances formelles, rappelons d’abord que la plupart des modèles antérieurs, créés en vue de l’Exposition nationale d’art appliqué de 1931, ont pu être attribués au céramiste Paul Ami Bonifas (1893-1967), chef de projet chargé du design. La collaboration avec František Landgraf (1904-1985), spécialiste du décor à froid, ainsi qu’avec un maître verrier italien formé à Murano, a également pu être démontrée. Si les pièces gravées à l’acide relèvent du travail de Landgraf, des rapprochements formels ont pu être établis tant avec de nombreux vases vénitiens qu’avec l’œuvre de Bonifas. Comparée à la collection proposée entre 1931 et 1935, l’offre du catalogue de 1935 apparaît réduite et standardisée, permettant une production semi-industrielle plus efficace (Walther, 2025, 31-61).
Tout porte à croire que Bonifas a conçu l’ensemble de la collection artistique de Saint-Prex jusqu’à la publication de 1949: les formes de 1931, le catalogue de 1935 ainsi que deux catalogues ultérieurs. En effet, dans les catalogues de 1937 et de 1949, certains éléments formels correspondent soit à des œuvres vénitiennes antérieures à 1931, année du séjour de l’artiste verrier vénitien à Saint-Prex, soit à l’œuvre de Bonifas. Ensuite, la majorité des modèles publiés en 1937 ou 1949 s’inscrivent dans un ensemble cohérent. Pour le modèle analysé ici, la ressemblance avec une œuvre de Vittorio Zecchin (1878-1947), datée en 1926, dont le dessin est repris par Napoleone Martinuzzi (1892-1977), ne manque pas de frapper (Tedesco, 2006, 12). Dans son rôle de chef de projet, Bonifas a pu planifier simultanément le catalogue de 1935 et les deux suivants, la guerre ayant retardé la publication de 1949. Ce modèle témoigne de la familiarité de Bonifas avec les formes archaïques grecques et chinoises qui lui servaient de sources d’inspiration. (Lecoultre-Brejnik & Musée Ariana, 1997, 22 et 46 et 87, no 5).
En revanche, les modèles du catalogue de 1960 ne peuvent être attribués au céramiste qui quitte la Suisse en juillet 1945 pour s’installer aux États-Unis. Par ailleurs, ces derniers modèles sont éclectiques et ne partagent pas de dénominateur commun (Walther, 2025, 69-70).

Le décor doré craquelé du vase présenté ici est emblématique de la Verrerie artistique, son apparition coïncidant avec la publication du catalogue de 1935. Serré et peu brillant, il est typique d'une pièce réalisée avec l'émail bleu disponible jusqu’en 1942 (Walther, 2025, 65). Notre vase a donc été réalisé entre 1937, date du modèle, et 1942 environ.