Ce panneau a été commandé vers 1600 par Hans Meyer et Melchior Sternegger. A ce jour, nous ne possédons pas d’informations sur ces donateurs. Les textes en rimes des deux cartouches supérieurs font référence aux deux commanditaires et à leur rapport à l’ivresse et aux jeux d’argent. L’inscription de gauche peut être traduite par “Hans Meyer mange volontiers des oeufs, il boit aussi volontiers du vin, même si cela n’est pas bon pour lui” et à droite par “Melchior Sternegger est un joueur de cartes, il se nourrit de cette façon, malgré qu’il mange beaucoup et fasse attention à ses dépenses”.
Une inscription au nom de “H. Fux” apparaît sur le vitrail héraldique à l’arrière-plan, à droite. Bien que l’emplacement du nom corresponde habituellement à celui des commanditaires, il pourrait éventuellement s’agir de la signature d’un peintre verrier. La mention rappelle le nom du maître Hans Füchslin († après 1598), notamment connu pour avoir réalisé des panneaux historiés et armoriés vers 1563-1564 pour le cloître du monastère de Tänikon (cf. Volkart & Elser, 2022, cat. 24, 25, 26). Les rares oeuvres connues de sa main portent cependant un monogramme différent, formé des lettres H et F accolées (Hasler, 2002, p. 36-37), et ne présentent pas de rapprochement stylistique particulier.
Au cours des XVIe et XVIIe siècle, il était courant de voir des scènes d’auberge de ce type orner les vitraux héraldiques commandés par des corporations, des sociétés ou des guildes. Le présent panneau est particulier car, hormis l’absence d’armoiries, il montre les excès liés à l’abus d’alcool et aux jeux d’argent au travers d’une double représentation de banquets. Les femmes parfois montrées en train de faire le service y sont absentes et les chiens rongeant leur os aux pieds de leur maître sont ici remplacés par des marcassins. Si aucun modèle n’a pu être identifié pour cette verrière, des rapprochements peuvent être effectués avec d’autres créations suisses de la même époque.
Parmi celles-ci se trouvent plusieurs représentations de scènes d’auberges avec, à l’arrière des grandes tablées, des verrières à cives similaires. Il s’agit par exemple du panneau commandé par la localité de Ricken (Toggenburg, SG) en 1550 à un verrier inconnu (TG_1967) aujourd’hui dans la collection Rutishauser de Kreuzlingen, de celui réalisé en 1568 dans l’atelier de Felix Lindtmayer le Jeune (†1574) aujourd’hui à la Peyersche Tobias Stimmer-Stiftung (Hasler, 2010, p. 293-294), d’une verrière exécutée en 1568 par un peintre verrier schaffhousois non identifié (Hasler, 2010, p. 412-413, n° 187) aujourd’hui dans une collection privée à Neuhausen am Rheinfall, d’un vitrail du peintre verrier schaffhousois Hans Konrad Stör (1591-1630) réalisé vers 1627 pour la corporation zum Grimmen Löwen (TG_122) aujourd’hui encore en mains de la guilde à Diessenhofen, ou encore d’un vitrage réalisé pour le couple Langenegger-Hofer en 1631 par le Fribourgeois Jakob Wegmann (BE_6415) conservé au Musée historique de Berne. Plusieurs oeuvres graphiques possèdent également des similitudes avec le présent panneau, comme le dessin préparatoire datant vers 1565 attribué à un dessinateur de Schaffhouse (peut-être Felix Lindtmayer le Jeune ?), aujourd’hui à la Staatliche Kunstbibliothek de Berlin (no inv. Hdz. 1641 ; cf. Thöne, 1975, ill. 470, p. 477, Kat. III, C 40). Un carton exécuté en 1569 par Daniel Lang (1543-1605) avec quinze hommes attablés discutant entre eux (Sammlung Wyss, Depositum de la Confédération au Musée historique de Berne, Inv. 20036.215, cf. Hasler, 1997, p. 133, n° 511) est conservé au Musée historique de Berne. Un dessin réalisé en 1572 par le peintre verrier schaffhousois Daniel Lindtmayer (1552-1606/1607), aujourd’hui conservé au Kunsthaus de Zurich, montre à l'arrière-plan une ouverture sur un ciel nuageux au lieu des habituelles fenêtres en culs-de-bouteille (Kunsthaus 1938/66, IV, Sammlung Ganz, 2 ; voir Thöne, 1975, ill. 27, p. 308, Kat. 16). Citons encore la scène d’auberge dessinée en 1574 à Bâle par Hans Jakob Plepp (1557/1560-1597/1598) avec en fond une esquisse de vitrages (BE_4156), qui se trouve aujourd’hui au Musée historique de Berne.
La provenance d’origine de ce vitrail n’est pas établie. Il a été acheté en 1878 au collectionneur Walther Fol (1832-1890).
Cité dans :
Deonna, 1929, p. 148, n° G. 480.
Bergmann, 2014, p. 274, fig. 187.
Bergmann, 2015, p. 91, fig. XIa.