Le vitrail a été fortement restauré avec de nombreuses pièces de remploi disparates. C’est essentiellement le cas de la partie droite, comprenant la figure du soldat, avec en haut la scène religieuse et en bas les compléments de part et d’autre du blason figurant des trophées d’armes qui rappellent les créations du début du XVIIIe siècle du peintre verrier fribourgeois Leontius Bucher (1653-1714) (cf. FR_194). Le fragment de verre portant le monogramme PL (?), inséré au-dessus de l’entablement à gauche, est également un complément. La bannière et l'écu aux armes de Bienne sont quant à eux d’origine, ce qui permet d’affirmer le statut de commanditaire de la ville bernoise.
Pour des raisons de style et de composition, il est possible d'inclure la présente verrière dans la série de treize vitraux héraldiques d'état datée de 1608, dont onze autres panneaux sont aujourd'hui connus. Cette hypothèse est appuyée par le fait que le présent vitrage a été acquis par Gustave Revilliod, à l'instar de celui aux armes d'Unterwald (GE_2114) issu du même cycle, également conservé à l'Ariana. Les autres verrières de l'ensemble aux armes de Berne, Lucerne, Glaris, Bâle, Uri, Schaffhouse (Bergmann, 2014, p. 729, fig. 226.1), Zurich (Bergmann, 2014, p. 729, fig. 226.2) et Soleure (Bergmann, 2014, p. 729, fig. 226.3) sont conservées au Musée national suisse à Zurich (Schneider, 1971, p. 282, n° 479 à 482). Le vitrail d'Uri a été acquis en 2008 (Inv. LM 109558) et ceux de Soleure, Schaffhouse et Zurich en 2011 sur le marché de l'art français (Inv. LM 116047-49 ; Jean Emmanuel Prunier, Hôtel des ventes de Louviers, lot n° 187). Celui de Fribourg (FR_226) est conservé depuis 1982 au Musée d’art et d’histoire de Fribourg (Bergmann, 2014, fig. 226). Le panneau de Schwytz se trouve dans une collection privée à Schaffhouse (Hasler, 2010, p. 414-417, n° 188 ; photo SLM 24816).
Ce cycle a été exécuté par le peintre verrier zurichois Josias Murer (1564-1631). Comme l'angle inférieur droit du présent panneau est composé de pièces de remploi, il n'est pas possible de savoir si son monogramme “IM” y figurait, comme c'est le cas des autres vitraux de la série, à l'exception de ceux de Bâle et Schaffhouse.
Neuf cartons de cet ensemble sont aujourd’hui connus (cf. Hasler, 2010, p. 416) et correspondent aux vitraux pour ce qui est des dimensions et de la composition. Les armoiries des états y sont systématiquement encadrées par deux gardes et les parties supérieures figurent des épisodes issus de l’histoire fédérale, de l’Antiquité ou de l’Ancien Testament. Aucun dessin pour un panneau aux armes de la ville de Bienne n’est à ce jour connu. Selon Landolt (cat. 1984, p. 406), les cartons auraient été dessinés d’après des gravures réalisées vers 1595 par Christoph Murer (1558-1614), le frère de l’auteur du cycle. Vignau-Wilberg (1982, p. 51, note 391) rapporte également que les panneaux de Josias Murer auraient pour modèle un cycle de cartons de Christoph Murer, daté de 1605. En 1614, le groupe de vitraux d’états de 1608 de Josias Murer a été réédité sous la forme d'une série de treize vitraux (voir TG_35 et TG_36), signée par le peintre verrier schaffhousois Werner Kübler le Jeune (1582-1621). Selon Bergmann (2014, p. 730), il existe une seconde série de panneaux anonymes datés de 1614, basés sur le cycle de Murer. En 1622, l'atelier Müller de Zoug recourt à nouveau aux modèles de Murer lorsqu'il crée les panneaux d’état de l'hôtel de ville de Zoug, dont seuls les vitraux de Lucerne et de Schwyz sont aujourd’hui conservés (Bergmann, 2004, p. 273-275, n° 83).
Comme Hasler (2010, p. 417) et Bergmann (2014, p. 730) l’ont démontré, cette série de vitraux était destinée à Kaspar Pfyffer (1524-1616) pour le château de Mauensee (LU). Drapier, commerçant et financier, Pfyffer a été administrateur de la poste française de Lucerne dès 1569, député au Grand Conseil de Lucerne entre 1567 et 1585, puis député au Petit Conseil entre 1585 et 1616. Il a également occupé les fonctions de bailli à Malters et Littau de 1577 à 1579, à Entlebuch de 1589 à 1591 et à Willisau de 1597 à 1599, puis de 1601 à 1603 (Lischer, 2010). Christoph Murer, qui travaillait avec son frère Josias, avait été payé en 1609 pour le vitrail de Zurich. Les donations de Fribourg et Bâle en 1609 au château de Mauensee sont documentées dans les comptes de l’état (Landolt, 1977, p. 130). Si la donation de Bienne n'apparaît pas clairement dans les comptes de la ville (Bourquin, 1922, p. 38-42), une mention succincte de commande de verrière en 1602 auprès d'un certain "Bläsi Murrer" (l'un des frères Murer cité en tant que souffleur de verre ?), pour la somme de "10 Pfd. 4 ß." (Bourquin, 1922, p. 41) pourrait être liée à cette donation. Dès le XVe siècle, Bienne a occupé une position importante, allant progressivement jusqu’à obtenir le statut de pays allié de la Confédération grâce à ses relations avec Berne, Fribourg ou Soleure (Dubler, 2018). Au cours du XVIIe siècle, de nombreux dons de vitraux héraldiques sont attestés pour cette ville (cf. Bourquin, 1922). Même si aucun autre exemple de donation biennoise n'est à ce jour connu dans ces ensembles, il est possible que cette ville qui aspirait au statut de canton souverain ait fait don du présent vitrail aux côtés des états précédemment cités, d'autant plus que le cycle était destiné à un endroit non loin de Bienne.
Cité dans :
Sidler, 1905, p. 100, n° 18.
Deonna, 1938, p. 14, n° 28.