Provenant de la collection du politicien et collectionneur d’art britannique Ralph Bernal (1783 ou 1784-1854), le vitrail a été acquis par le Victoria and Albert Museum lors de l’extraordinaire vente de cette dernière qui, organisée du 5 mars au 30 avril 1855 à Londres par Christie’s, concernait plus de 4000 objets manufacturés allant de l’époque byzantine à Louis XVI (Cat. vente Londres 1855, lot 2269). Lors de son entrée dans les collections du musée, il était considéré comme suisse et daté de 1572, comme indiqué dans le cartouche central (Cat. coll. Londres 1855 (1868), p. 53 ; Day 1913, p. 109 ; V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). Il s’agit d’un vitrail de la corporation zurichoise „Zum Kämbel“.
Ce vitrail a été réalisé pour la corporation zurichoise „Zum Kämbel“, dont le nom et les armoiries renvoient précisément à la figure du chameau. Fondée en 1336, cette corporation, dont le siège est la „Haus zur Haue“, sur le quai de la Limmat, regroupe principalement des marchands. Document précieux pour l’étude des armoiries de la bourgeoisie zurichoise, les 46 membres mentionnés ont été identifiés en 1984 par Robert Cramer (Cramer 1984).
L’emplacement d’origine de ce vitrail n’est pas établie, bien que le siège de la corporation soit une possibilité (cf. Gunz 2015, Appendix 7, p. 7-8). En 1955, le peintre-verrier suisse Fritz W. Dold (1911-1974) réalisa en effet une copie du panneau de Londres pour le siège de la corporation à Zurich (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). Il existe cependant plusieurs vitraux et dessins préparatoires à des vitraux aux armes de la corporation zurichoise „Zum Kämbel“, dans des collections tant privées que publiques (cf. par exemple Zurich, Musée national), ainsi qu’en circulation sur le marché de l’art, dont, à titre d’exemple, un rondel de 1565 dont la localisation est aujourd’hui toutefois inconnnue, attribué à Heinrich Holzhalb (après 1538-1595), peintre-verrier zurichois et membre de la corporation „Zum Kämbel“ (cf. Cat. vente Munich 1912, lot 4).
Dans une lettre datée du 1er avril 1931 adressée à Bernard Rackham, alors conservateur au département de céramique du Victoria and Albert Museum, Hans Lehmann, directeur du Musée national suisse, attribuait, sur la base du monogramme „Fb“ inscrit dans le cartouche centrale, le panneau de Londres au peintre-verrier schaffhousois Daniel Forrer (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). En 1950, Paul Boesch fit observer que la forme ligaturée de la signature peut se lire dans les deux sens (Boesch 1950, p. 117). Sur cette base, il souscrivit une proposition de Franz Wyss, selon laquelle le vitrail de Londres pourrait être une oeuvre de Fridly Burckhart, un peintre-verrier zurichois redécouvert par ce dernier, beau-frère de Jos Murer par son mariage avec Regina Murer, qui a réalisé entre 1564 et 1565 plusieurs vitraux héraldiques pour la ville de Zurich (ibid. ; id. 1954f, p. 79).
À titre de comparaison, Boesch rapprocha le panneau de Londres d’un vitrail de 1571 représentant Heinrich Bullingers (Zurich, Musée national, inv. LM-15917), dont le monogramme „Fb“ fait cependant encore l’objet de discussions (id. 1954f, p. 79 ; cf. Ruoss et Giesicke, p. 569-579). Les deux vitraux présentent cependnat des affinités stylistiques et formelles, dans l’art de modeler les visages ou de concevoir avec virtuosité le cadre architecturé. Le nom de Fridly Burkhart et de ses deux frères, Anthony et Hans Rudolf, apparaît dans le cartouche d’un vitrail historié daté de 1572, aujourd’hui conservé à Wörlitz et attribué à hypothétiquement à Jos Murer, bien que l’oeuvre pourrait, à titre d’hypothèse, revenir à Fridly Burkhart (ibid., cat. XXX, 8).
En 1818, le Zurichois David Hess (1770-1843), dessinateur, illustrateur et auteur d'œuvres littéraires et musicales, décrit dans son ouvrage „Die Badenfahrt“ un vitrail vu lors d’un séjour à Paris, réalisée vraisemblabement en 1811 : „So sah ich vor wenigen Jahren in Paris, an einer Ecke des Kreuzgangs aux petits Augustins, wo die Französischen Monumente aufgehäuft sind, eine gemalte Glasscheibe mit dem Wapen der Zürcherschen Zunft zum Kämbel (Kameel)“ (Hess 1818, p. 499). L’identification entre le panneau de Londres et le vitrail vu à Paris en 1811 n’est pas impossible mais également difficile à établir dans la mesure où plusieurs vitraux de la corporation avec, pour iconographie, un chameau nous sont parvenus.
Cité dans :
Cat. vente Londres 1855, lot 2269
Cat. coll. Londres 1855 (1868), p. 53
Day 1913, p. 109
Boesch 1954f, p. 73, 75, 79
Cramer 1984, p. 148-163
Gunz 2015, Appendix 7, p. 7-8, fig. 29